dimanche 23 janvier 2011

En route pour Bissanderou. Taxi brousse haut en couleurs.

LUTTE TRADITIONNELLE A 7 KM DE BISSANDEROU










Belle année 2011 à tous !

Il y a fort longtemps que je ne vous ai pas écrit quelques lignes. C'est qu'à Bissanderou, je m'y plais. Et à Bissanderou, il y a de jolies tomates très goûteuses en ce moment. Elles proviennent de Labien, le village voisin. Et les jours de marché, c'est aubergines, choux, parfois même concombres et carottes. Alors imaginez comme il est tentant de séjourner ici le week end, dans cette splendide nature. Je me suis trouvée un petit coin de paradis. C'est près du marigot, au croisement de plein de vie.

Quoi de neuf depuis le départ des trois pimpantes françaises venues séjourner ici? Et bien, ce qu'elles ont laissé déjà. Laura, Morgane, M..vos petits cahiers ont été remis à une vingtaine de jeunes filles et jeunes femmes à qui je donne des cours du soir depuis deux semaines. Les stylos, pour elles également. Les petits calepins pour les trois CM2 en soutien lecture, les cahiers -répertoires pour recencer les mots usuels avec les CE2 et... enfin bref, les idées n'ont pas manqué. Une femme a emprunté un « j'aime lire », j'ai lu l'album de l'Emeu aux CM1 et... enfin bref mille mercis à toutes les trois.
Et puis le poulet aux épices tagines c'est quelque chose!
Les savonnettes ont été distribuées dans chaque classe et mise à disposition avant le repas semoule de la cantine.
Sinon, j'écris en direct de la brousse. J'ai acheté une nouvelle batterie, Monsieur Koama la charge régulièrement avec sa plaque solaire et là, présentement, je vous écris de dessous son hangar avec la lune pleine qui veille sur moi et qui m'a inspiré ce p'tit poème :

La nuit prêtresse des cieux
Laisse s'étendre l'oisive
La belle jamais ne s'émeut
Et sans peine récidive

Les étoiles la jalousent
Elle n'a que faire des quolibets
Parée d'or blanc la jeune épouse
S'ennivre au point d'en tituber

L'humain boiteux scellé au sol
Envie l'errance capricieuse
Saisit des yeux la course folle
De la nomade facétieuse

Et à Bissanderou, ce sont des amoncellements de coton et ce, tout près du centre.

Boubié, un élève de CE2, est arrivé jeudi avec des peloches de coton de la tête aux pieds. Il a dit, lors d'un quoi de neuf : « la nuit, je dors dans le coton ».
Les jeunes le piétinent avant de l'entreposer et de le vendre. Et quelle meilleure surveillance que de dormir dans cette dune blanche.
Je suis allée voir de plus près; J'y ai trouvé Nébila, le mari de Claudine, la soeur de Blandine, le père de la toute nouvelle née Pierrette, le mécanicien qui m'a remorqué jusqu'à Sao suite à une crevaison. Nébila donc, au sourire éclatant tient mon vélo et m'invite à gravir la montagne. Ni une ni deux je plonge dans cette neige douillette et chaude !
Comment voulez vous que je ne veuille pas rester les week end au village? Bissanderou, comme on dit ici, c'est « doux »!
je vous invite à lire et découvrir les photos de janvier. A bientôt.


Jeudi 6 janvier 2011

Let's open Open office in the bush...
Ma première chronique en direct de Bissanderou. Batterie : OK. Pinces croco : OK
Transformateur : OK Ordinateur : OK. Pourvu que ça dure! Un coup d'oeil sur l'horloge : 19H30. Autonomie restante : 2H maxi. Primo, enregistrer le document : OK. Secondo, y a pas de secondo; On écrit et basta!
J'aime cette fin de journée, peut être parce que je n'ai pas aimé comme elle a débuté. Je me suis réveillée de sale humeur. C'est comme ça. J'ai oublié Blandine à qui j'avais proposé mon aide pour piler le gros mil. Elle a fait ça dans la cour familiale en compagnie des fidèles Sabine, Elebié et Seitou. Rythme quaternaire? Peu probable. Sûrement à trois avec un relai en permanence. Sons du pilon qui frappe le mortier : à exploiter.

Il y a de beaux moments au centre d'accueil. Ceux qui ne sont pas programmés sont plus beaux encore.
Kadidja est la femme qui doit natter le plus de têtes au village, la mienne y compris. Fallait la voir
décortiquer chaque image du livre sur les cétacés cet après-midi.
Un adolescent que je voyais pour la première fois, attentif aux illustrations d'un album qu'il manipulait dans tous les sens.
Une élève apporte ses leçons à réviser.
Moussa, gardien à ses heures, qui m'aide à disposer les bouquins sur les lits en tiges.
Mousatapha, élève de CM2, venu me saluer à mon retour de Koudougou et qui partage ses lectures avec son petit frère.
Le lendemain, Souleymane me présente lui aussi son frangin et reste plus de deux heures en compagnie des livres.
Elle est modeste notre bibliothèque mais elle existe. La plupart veulent emprunter. Ils emprunteront donc. Quand ils lisent ici, c'est à tue tête. Une cacophonie qui ne semble déranger personne.
On va laisser les livres circuler; C'est, je crois, nécessaire.

Le hangar me cache le ciel étoilé. Moussa est tout près et fixe l'écran. Je ne sais pas trop ce qu'il peut se dire en ce moment.

Samedi 8 janvier 2011

Les poules sont voraces chez Monsieur Koama. A peine le dos tourné qu'elles m'ont bouffé une moitié de papaye!
Ce matin, il y a eu en quelque sorte l'inauguration de la bibliothèque au centre d'accueil. Heureuse surprise quand j'ai vu débarquer plusieurs CE1 et tout autant de CE2. Il s'en ai fallu de peu que je reprenne mes bons vieux réflexes; à savoir diriger l'activité. Finalement, j'ai laissé faire et tout s'est bien passé. Wambi et un de ses camarades ont sorti les livres et les ont classés sur les lits bancs, se repérant soit au titre de la collection, soit au format. Ils se sont débrouillés comme des chefs.
La plupart ont pris place sur les nattes, sous le hangar. D'autres assis sous les arbres, plus ou moins à l'ombre.
Au fil de la journée, d'autres enfants sont venus, d'autres sont réapparus, je me suis absentée et, à mon retour, j'ai pu constater que tout se déroulait sans souci.
Alors, il est certain qu' on renouvellera l'expérience dès que possible...
A bientôt.

Dimanche 16 janvier 2011

Je me lève tôt et je me dis : y fait frais, le soleil se lève tout juste, la brousse annonce de belles couleurs, c'est le moment de faire un footing !
Sur le sentier, 14 boeufs m'observent. Moi, pas rassurée avec leurs grosses cornes je ralentis, eux affolés s'échappent un peu dans tous les sens. Plus loin,12 moutons pas de panurge qui prennent la poudre d'escampette.
Et puis deux clébards qui grognent... Sur le chemin du retour ils sont six et n'ont pas l'air d'apprécier quand je passe devant leur concession mossi. Ben, voilà qu'ils me suivent.
J'emprunte une autre voie. Je me paume un peu, classique. Antoine me remet sur le bon chemin après m'avoir fait boire deux gorgées chaudes de dolo généreusement servies par Martine, sa femme. A bientôt les mossi.
Six ânes pépèrent m'accueillent pas loin de la maison, je suis de retour.
Je fais de nouveau l'essai du seau d'eau sur la tête, de la pompe au centre d'accueil, ce qui me vaut quelques sourires sympathiques des maçons en train d'aligner leurs briquettes fraîchement démoulées. Ils sont beaux ces hommes à l'ouvrage dès l'aube, tout comme les raboteurs de Caillebasse à orsay. Ô comme les musées ne me manquent pas!
Mardi 18 janvier 2011

Second footing. Une palanquée de pintades. Des enfants qui courent vers l'école et la cloche qui retentit, au loin. Des briques, un peu partout. Zut, me suis encore trompée de voie!



lundi 3 janvier 2011

PARADOXES

Le tô d’Irène est un paradoxe à lui tout seul tant il est léger, fait très inhabituel pour un tô. Il y aurait donc le tô rustique, campagnard, qui permet à tout homme de tenir sa journée de dure labeur et le tô de la ville pour les gens sophistiqués ? Ou tout simplement pour le touriste toujours prompt à se plaindre de ce qu’il y a dans son assiette ?
Toujours est-il que le tô d’Irène se présente comme une montagne de coton que l’on vient de récolter.
C’est donc de charmante humeur que je plongeais ma main droite dans ce plat accompagnée d’une sauce aux feuilles d’aubergines lorsque s’est présenté à la télévision le poupon national, sa majesté Blaise Compaoré,  pour les traditionnels vœux de nouvelle année. Compatissant au possible, mansuétude débordante, j’ai bien cru m’étouffer avec mon succulent plat, aussi léger fut il. Mais, sauvée par le gong, autrement dit par ma sonnerie de téléphone portable, je courus (à moto !) à la rencontre de Pauline.
Pauline, aux tenues charmantes et qui m’a filé un modèle que je devrais copier très prochainement. Reste à voir  si le pagne ne devient pas un accoutrement ridicule sur mes fesses!
Mais je vous entends déjà médire. Lisez donc un peu, ça parle bouffe, sape, ne manque plus que les conseils beauté au beurre de karité et pages people (je vous ai dit que j’avais serré la main de Victor Démé ?) et  son blog va ressembler comme deux gouttes d’eau « micropure »
à un énième magazine féminin.
Objection votre honneur ! Je suis en congés voyez vous. Il me faut recharger mes batteries. Mais si vous insistez, on peut parler pédagogie. Je prépare, à la demande d’un directeur de Tchériba, une intervention sur la méthode naturelle de Freinet. Je l’applique « pour de vrais » auprès de jeunes femmes adultes au village à compter du 10 janvier, je poursuis les textes libres et reprends le quoi de neuf avec les CE2, CM1 et CM2. Pascal, bienfaiteur donateur, m’a remis un gros billet qui m’a permis d’acheter une quarantaine d’albums, une dizaine de romans et quelques contes pour constituer une mini - bibliothèque. J’ai soigneusement évité l’éditeur Hatier en tête de gondoles. Rassurez moi, connaisseurs de maisons d’édition, EDICEF et les classiques africains ne sont pas, j’espère, une succursale de Lagardère ?


Jeudi 30 décembre

Hier soir, je raccompagnais Johanne à l’aéroport. Suis ensuite retournée à Napam Beogo, l’un des premiers lieux que j’ai connu à Ouagadougou. Derrière moi, un tableau de Sankara, devant moi une Brakina, à demi sirotée et gentiment offerte. Dans la cour, un orchestre sympathique et une fête de mariage. Je viens d’écouler mon deuxième sachet de mangues séchées, y a des chances que je termine au buffet.
Johanne a connu tous les aléas du pays. Faut dire qu’elle a commencé par oser faire son visa ici plutôt qu’en France. Grossière provocation : tu paies cher et tu récupères tardivement ton passeport. Et puis, elle a fait escale à Alger ; ses bagages, eux, y sont restés durant son séjour ici.
Les traditionnelles galères de transport, un petit séjour au dispensaire et le pack était complet ! Mais on s’en contrefout parce que, ce qu’elle a retenu de tout ça, c’est bien autre chose, j’en suis certaine. Demandez lui par exemple ce qu’elle a pensé de la rencontre avec les peuls de Bissanderou, de la soirée chez Kiemtoré, de la générosité d’Issouf, des facétieuses Irène, Reine, Félicité et Blandine.

Avant le 30 décembre

Avant ça, il y a eu une lumière vive un soir à Bissanderou, quelque chose d’étrange au loin. Aussitôt, on m’a parlé génie de la forêt et feu surnaturel. Ouaouh, ça fout les jetons quand on vous raconte ce genre de choses dans la nuit noire de la brousse.
Mais, vaillante nassara que je suis, je me suis approchée (bon ok je n’étais pas seule), et là c’était beau. L’arbre en feu s’effondre, reste une souche d’arbre perforée et enflammée, une fiction de Lynch, un tableau de Dali, une photo manquée.
Et il y a les cieux. Un jour, pendant l’hivernage, les nuages se laissent traîner en un énorme sillon. Un doux tourbillon, une spirale sans fin, une photo de moins.
Dimanche, Johanne m’a dit « t’as vu la grande ourse, elle a la tête en bas ». Des semaines que j’observe le ciel, que la lune se présente à mes yeux sous la forme d’une calebasse et pas même une fois je me suis dit que la voûte céleste avait basculé !
Et quand elle s’amenuise la lune, souriante jusqu’aux oreilles, c’est pour laisser place à une nuée d’étoiles qui se partagent le ciel comme le juilletiste sa place sur une plage sablonneuse de la côte d’Azur.

Après le 30 décembre

S’annonce un 31…sans champagne ni macarons mais plutôt autour d’un poisson braisé sauce mayo.
Prophétie 2011…sans kories ni sacrifices :
En janvier je donne des cours de français à six jeunes femmes du village. En février, je présente la méthode naturelle de Freinet à un groupe d’enseignants, Bikontine le bobolais redonnera vie aux contes et aux conteurs du village. En mars, les CE1, CE2 et CM2 qui viennent au centre d’accueil se débrouilleront en lecture. En avril, ils prendront plaisir à lire les albums de notre bibliothèque. En juin, nous ferons des lectures avec tous ceux qui le souhaitent. Jamais plus je ne verrais d’enfants enivrés au dolo ; ils préfèreront monter aux arbres, chasser le serpent, le rat sauvage, le crapaud ou encore le hérisson.
L’année sera belle. Bonne année à tous.