lundi 3 janvier 2011

PARADOXES

Le tô d’Irène est un paradoxe à lui tout seul tant il est léger, fait très inhabituel pour un tô. Il y aurait donc le tô rustique, campagnard, qui permet à tout homme de tenir sa journée de dure labeur et le tô de la ville pour les gens sophistiqués ? Ou tout simplement pour le touriste toujours prompt à se plaindre de ce qu’il y a dans son assiette ?
Toujours est-il que le tô d’Irène se présente comme une montagne de coton que l’on vient de récolter.
C’est donc de charmante humeur que je plongeais ma main droite dans ce plat accompagnée d’une sauce aux feuilles d’aubergines lorsque s’est présenté à la télévision le poupon national, sa majesté Blaise Compaoré,  pour les traditionnels vœux de nouvelle année. Compatissant au possible, mansuétude débordante, j’ai bien cru m’étouffer avec mon succulent plat, aussi léger fut il. Mais, sauvée par le gong, autrement dit par ma sonnerie de téléphone portable, je courus (à moto !) à la rencontre de Pauline.
Pauline, aux tenues charmantes et qui m’a filé un modèle que je devrais copier très prochainement. Reste à voir  si le pagne ne devient pas un accoutrement ridicule sur mes fesses!
Mais je vous entends déjà médire. Lisez donc un peu, ça parle bouffe, sape, ne manque plus que les conseils beauté au beurre de karité et pages people (je vous ai dit que j’avais serré la main de Victor Démé ?) et  son blog va ressembler comme deux gouttes d’eau « micropure »
à un énième magazine féminin.
Objection votre honneur ! Je suis en congés voyez vous. Il me faut recharger mes batteries. Mais si vous insistez, on peut parler pédagogie. Je prépare, à la demande d’un directeur de Tchériba, une intervention sur la méthode naturelle de Freinet. Je l’applique « pour de vrais » auprès de jeunes femmes adultes au village à compter du 10 janvier, je poursuis les textes libres et reprends le quoi de neuf avec les CE2, CM1 et CM2. Pascal, bienfaiteur donateur, m’a remis un gros billet qui m’a permis d’acheter une quarantaine d’albums, une dizaine de romans et quelques contes pour constituer une mini - bibliothèque. J’ai soigneusement évité l’éditeur Hatier en tête de gondoles. Rassurez moi, connaisseurs de maisons d’édition, EDICEF et les classiques africains ne sont pas, j’espère, une succursale de Lagardère ?


Jeudi 30 décembre

Hier soir, je raccompagnais Johanne à l’aéroport. Suis ensuite retournée à Napam Beogo, l’un des premiers lieux que j’ai connu à Ouagadougou. Derrière moi, un tableau de Sankara, devant moi une Brakina, à demi sirotée et gentiment offerte. Dans la cour, un orchestre sympathique et une fête de mariage. Je viens d’écouler mon deuxième sachet de mangues séchées, y a des chances que je termine au buffet.
Johanne a connu tous les aléas du pays. Faut dire qu’elle a commencé par oser faire son visa ici plutôt qu’en France. Grossière provocation : tu paies cher et tu récupères tardivement ton passeport. Et puis, elle a fait escale à Alger ; ses bagages, eux, y sont restés durant son séjour ici.
Les traditionnelles galères de transport, un petit séjour au dispensaire et le pack était complet ! Mais on s’en contrefout parce que, ce qu’elle a retenu de tout ça, c’est bien autre chose, j’en suis certaine. Demandez lui par exemple ce qu’elle a pensé de la rencontre avec les peuls de Bissanderou, de la soirée chez Kiemtoré, de la générosité d’Issouf, des facétieuses Irène, Reine, Félicité et Blandine.

Avant le 30 décembre

Avant ça, il y a eu une lumière vive un soir à Bissanderou, quelque chose d’étrange au loin. Aussitôt, on m’a parlé génie de la forêt et feu surnaturel. Ouaouh, ça fout les jetons quand on vous raconte ce genre de choses dans la nuit noire de la brousse.
Mais, vaillante nassara que je suis, je me suis approchée (bon ok je n’étais pas seule), et là c’était beau. L’arbre en feu s’effondre, reste une souche d’arbre perforée et enflammée, une fiction de Lynch, un tableau de Dali, une photo manquée.
Et il y a les cieux. Un jour, pendant l’hivernage, les nuages se laissent traîner en un énorme sillon. Un doux tourbillon, une spirale sans fin, une photo de moins.
Dimanche, Johanne m’a dit « t’as vu la grande ourse, elle a la tête en bas ». Des semaines que j’observe le ciel, que la lune se présente à mes yeux sous la forme d’une calebasse et pas même une fois je me suis dit que la voûte céleste avait basculé !
Et quand elle s’amenuise la lune, souriante jusqu’aux oreilles, c’est pour laisser place à une nuée d’étoiles qui se partagent le ciel comme le juilletiste sa place sur une plage sablonneuse de la côte d’Azur.

Après le 30 décembre

S’annonce un 31…sans champagne ni macarons mais plutôt autour d’un poisson braisé sauce mayo.
Prophétie 2011…sans kories ni sacrifices :
En janvier je donne des cours de français à six jeunes femmes du village. En février, je présente la méthode naturelle de Freinet à un groupe d’enseignants, Bikontine le bobolais redonnera vie aux contes et aux conteurs du village. En mars, les CE1, CE2 et CM2 qui viennent au centre d’accueil se débrouilleront en lecture. En avril, ils prendront plaisir à lire les albums de notre bibliothèque. En juin, nous ferons des lectures avec tous ceux qui le souhaitent. Jamais plus je ne verrais d’enfants enivrés au dolo ; ils préfèreront monter aux arbres, chasser le serpent, le rat sauvage, le crapaud ou encore le hérisson.
L’année sera belle. Bonne année à tous.





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